LA RÉSISTANCE KHAMPA : En 1949, 20.000 soldats de l'Armée populaire de Libération chinoise entrent au Tibet par l'Est. Les populations du Kham et de l'Amdo sont les premières à faire l'expérience de l'invasion militaire. Sous le commandement de chefs locaux, les Khampas livrent bataille contre l'occupant mais, sous-équipés et désorganisés, ne parviennent à lui tenir tête. A partir de 1956, ils décident de se replier progressivement vers le Tibet central et l'Ouest. Réunis autour de Lhassa, les combattants khampas cherchent à créer une organisation unifiée. Afin de se rapprocher les uns des autres sans éveiller les soupçons, les principaux chefs recourent à un subterfuge. A leur demande, le Dalaï-Lama accepte de dispenser une initiation publique du Kalachakra en juin 1957 et des cérémonies sont organisées. Ceci leur permet de se rencontrer et, par la même occasion, d'offrir un trône doré au Dalaï-Lama en signe d'allégeance. Cette offrande faite au nom du « Pays des Quatre Rivières Six Vallées » - Chushi Gangdruk - donne son nom au principal mouvement de résistance.
CHUSHI GANGDRUK : Le mouvement « Quatre Rivières Six Vallées », ou Chushi Gangdruk, est solennellement proclamé le 18 juin 1958. Il fédère 37 forces alliées provenant essentiellement du Kham, mais aussi de l'Amdo. 40 chefs sont désignés à différents niveaux de responsabilité, dont 18 commandants chargés de coordonner les mouvements militaires. Un code en 27 points établit la conduite des combattants. Le quartier général du Chushi Gangdruk est établi à Dri-Guthang, au sud de Lhassa, puis déplacé à Tsona. Informé qu'une assistance de la CIA a été déclinée par les autorités officielles, et que celle-ci serait tardive, le mouvement envoie une division s'emparer d'armes et de munitions au dépôt du gouvernement tibétain. Le reste des troupes est dispersé en groupes de 50 à 100 combattants pour dresser des embuscades contre les garnisons chinoises. Le quartier général est déplacé de Tsona à Lhagyari. Finalement, la CIA accepter de traiter directement avec les forces de la résistance. Les premiers combattants tibétains sont entraînés aux Etats-Unis dès 1957 dans un camp situé dans le Colorado. En 1958, de nouveaux volontaires y sont formés et le premier parachutage d'approvisionnement en matériel est effectué. Jusqu'en 1962, une quarantaine de recrues sont parachutées au Tibet, les autres transitent par l'Inde ou occupent des postes de renseignement à la frontière. 35 à 45 parachutages sont effectués jusqu'à cette date, comprenant en tout entre 300 et 400 tonnes d'armes et de munitions (fusils, armes légères, mitrailleuses, bazookas, grenades, explosifs, radios).
LE SOULÈVEMENT DE LHASSA : En mars 1959, à Lhassa, les rumeurs grandissent autour de l'enlèvement imminent du Dalaï-Lama par les Chinois. Tandis que la foule se réunit dans la capitale, les résistants khampas organisent sa fuite vers l'exil. Le palais est bombardé, la population se soulève, la répression s'abat. Dans les semaines qui suivent, on dénombre 87.000 morts à travers le Tibet dont 10.000 dans la capitale. Autant de réfugiés font route vers l'Inde. La traque des résistants par l'armée chinoise entraîne de lourdes pertes. Plutôt que de persister dans une confrontation frontale, le Chushi Gangdruk choisit de protéger l'exode massif des réfugiés et se replie versant indien de l'Himalaya. D'autres poches de résistance perdurent un temps au Tibet, dans les régions de Shota Lhosum, Domshung, Namtso Kha et Markham, avant d'être écrasées par l'armée chinoise.
LA GUÉRILLA AU MUSTANG : En 1960, le Chushi Gangdruk choisit le Mustang au nord du Népal comme base de guérilla. La collaboration se poursuit avec la CIA. Des volontaires sont de nouveau envoyés dans le Colorado afin de recevoir une formation d'instructeur. La base au Mustang est composée d'un noyau de 3000 hommes sélectionnés. Des actions de guérilla sont menées depuis la frontière de 1960 à 1974. En 1972, en raison du rapprochement sino-américain, l'aide de la CIA diminue progressivement. En 1973, la Chine fait pression sur le Népal qui envoie 10.000 soldats pour désarmer la guérilla, laquelle s'y refuse. A son tour, l'administration tibétaine en exil appelle les combattants à obtempérer. Fin 1974, un message enregistré du Dalaï-Lama leur demande de baisser les armes et de se rendre. La majorité obéissent à contre-coeur, certains se suicident, quelques autres sont tués lors d'embuscades, d'autres encore sont arrêtés et emprisonnés par les autorités népalaises. La résistance armée au Tibet s'éteint progressivement.
TENSIONS PERMANENTES : A la fin des années 80, plusieurs émeutes réveillent Lhassa. Lors du soulèvement de mars 1989, la répression fait des dizaines de morts et entraîne l'instauration de la loi martiale. La population tibétaine poursuit aujourd'hui une forme de résistance passive, en s'efforçant de maintenir le mode de vie tibétain malgré l'occupation et en recherchant des moyens détournés pour continuer de pratiquer leur religion. Régulièrement, des groupes et des individus isolés placardent des affiches, diffusent des tracts, surgissent dans la rue en scandant des slogans indépendantistes, se risquent à chanter l'hymne national ou à brandir le drapeau tibétain. Les monastères restent le foyer principal du refus de l'occupation, la jeunesse urbaine en devient aussi le vecteur. Par ailleurs, une dizaine de bombes ont explosé entre 1995 et 1998 contre des bâtiments officiels, ne provoquant ni morts ni blessés graves. Trois autres bombes ont explosé en 2000, 2001 et 2002.
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